Bonjour cher directeur et équipe de SEDOS,
Je m’appelle Peter EKUTT, prêtre missionnaire de la société des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs). Je suis originaire du Nigeria et maintenant en mission à Karlsruhe en Allemagne et cela après 10 ans d’expérience pastorale en RDCongo.
En effet, je vous écris pour vous exprimer ma satisfaction suite au Webinar du vendredi passé. J’ai particulièrement apprécié les interventions des Pères Timothy Radcliffe et Charles Phukuta, mais aussi celles de la Sr. Rose et Frère Jean-Marie. Leurs contributions sont pertinentes car elles sont d’actualité pour moi qui travaille dans un centre d’interculturalité et interreligieuse.
J’ai été très touché par un des intervenants qui avait abordé la mission dans la perspective de collaboration, dialogue et échanges mutuels. Il a souligné la résistance rencontrée parfois devant l’exigence du donner et du recevoir alors qu’ailleurs les missionnaires ne réalisaient pas qu’ils avaient aussi à recevoir. L’Afrique par exemple n’avait qu’à recevoir et devait par conséquent rester passive dans l’évangélisation.
Dans l’après-midi du même vendredi, d’autres ont souligné l’importance de la formation sur l’identité pour une mission vue sur angle d’un apprivoisement mutuel. Mais aussi la question de la réconciliation dans l’Eglise a été bien soulignée également.
Cette formation de SEDOS a suscité en moi un autre thème pour un approfondissement ultérieur sur la mission en Afrique. Il s’agit d’une prise en compte des lectures de la mission que font les théologiens, les agents et les communautés ecclésiales du continent africain. Face à l’époque missionnaire, nombre d’entre eux se positionnent en rupture et qualifient l’époque actuelle de ” temps des héritiers ”, le moment d’aller évangéliser l’Europe car ils comprennent que l’Afrique a aussi quelque chose d’original à apporter au niveau universel. Beaucoup d’autres ont le sentiment de frustration et se disent que pendant longtemps l’on a pensé pour eux, sans eux et malgré eux. Ils sont aujourd’hui dans une posture d’insurrection face à l’Occident missionnaire d’hier. Il s’est ainsi développé parfois des théologies fondées sur la revendication identitaire. Cette tendance (feedback) n’est pas générale mais elle est témoin des blessures vécues par les peuples des pays de mission mais aussi un problème d’identité. Y a-t-il possibilité de se réconcilier ?
Le problème de l’Afrique d’aujourd’hui est peut-être moins la sécularisation que la réconciliation. Cette réconciliation devra se faire dans l’Eglise mais aussi au sein des peuples africains. En effet, plusieurs conflits sanglants et interethniques endeuillent l’Afrique. Cela devrait nous conduire à l’humilité et au courage de nous poser la question sur la non impact du christianisme sur des populations entières qui s’entretuent alors qu’elles ont été majoritairement évangélisées et baptisés. C’est le cas actuel de l’Ituri en RD Congo ou encore les Igbo au sud du Nigéria. Au regard de ces événements douloureux dans ces régions où les églises sont pleines à craquer, j’ai l’impression que nous sommes des pratiquants mais pas des croyants !
Ma proposition est que l’on puisse ouvrir des réflexions sur la réconciliation avec l’histoire pour nous permettre de vivre la mission sous la seigneurie du Christ crucifié dont la puissance de l’amour se déploie dans la faiblesse du missionnaire qui ne se comprend plus comme un conquérant des damnés mais frère des hommes et des femmes aimées par Dieu. Oui je suis d’avis avec vous : la mission doit se vivre aujourd’hui dans le cadre d’un apprivoisement mutuel.
Merci beaucoup pour cette initiative.
Peter EKUTT, MAfr