Les commencements
[Frère Jean-Marie] Pour réfléchir aujourd’hui sur la mission dans une Europe sécularisée, vous avez voulu écouter sur ce thème le récit de quelques expériences concrètes. Où situer en ce contexte l’appel de l’Évangile à la réconciliation et à l’unité ? Quelle relation y a-t-il entre la mission et l’unité et en quoi cette relation serait-elle pertinente pour la vie du continent aujourd’hui? La parole bien connue du Christ dans l’Évangile de Saint Jean chapitre 17 fait voir entre l’unité et la mission un lien de fond. «Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé» (Jean 17:21). La recherche de l’unité des chrétiens, l’intuition que finalement les divisions n’ont pas de sens, plongent leurs racines dans la vie intime de Dieu. L’unité visible est ce signe qui rend la foi du croyant crédible et qui rend Dieu crédible. Au cours d’une catéchèse prononcée pendant la semaine de prière pour l’unité des chrétiens au début de l’année dernière, le pape François a dit: «Le monde ne croira pas parce que nous le convaincrons par de bons arguments, mais il croira si nous avons témoigné de l’amour qui nous unit et nous rend proches de tous» (Audience générale, 20 janvier 2021).
Dans un temps où tant de personnes et tant d’institutions sont rudement secouées, et où des polarisations sont si présentes, que faire pour témoigner d’un amour «qui nous unit et nous rend proches de tous»? Face à la réalité des blessures et des divisions que nous voyons, on pourrait comprendre que certains considèrent de tels propos comme naïfs. Les paroles du Christ pourtant continuent à résonner. Cet appel du Christ ne serait-il pas justement une bonne nouvelle à écouter à nouveau, une invitation qui éclaire véritablement notre chemin de chrétiens au milieu des complexités réelles du monde d’aujourd’hui? Et si oui, comment?
Avec sœur Agnès Granier, responsable générale des religieuses de Saint André, nous voudrions vous faire part de quelques réflexions sur l’unité vécue dans l’accueil à Taizé. Depuis plus de 50 ans, nos deux communautés collaborent à un service d’accueil et d’accompagnement de jeunes. Pour de nombreux jeunes, l’unité est un désir qui va droit au cœur, elle parle quand elle est vécue, et elle offre un terrain où l’Évangile peut faire sens aujourd’hui.
La communauté de Taizé dont je fais partie est composée d’une petite centaine de frères, catholiques et de diverses origines protestantes, venant d’une trentaine de pays. Elle a été fondée en 1940, au début de la Seconde Guerre mondiale, par un jeune homme de 25 ans qui presque viscéralement ressentait comme un scandale les divisions entre chrétiens. «Comment professer l’amour du prochain et demeurer divisés», demandait-il. Originaire de la Suisse francophone et fils de pasteur, frère Roger, comme on l’appellera par la suite, aspirait, ainsi qu’il le disait à l’époque, à «sortir de l’isolement.» Pour lui, l’isolement était autant une ambiance qu’une réalité physique, une caractéristique forte de la vie de son temps qui faisait que les personnes, quels que soient leur idéalisme, leur choix de vie ou même leur foi, se trouvaient de plus en plus seules. À ses yeux, un être humain même avec les meilleures des intentions s’étiolait dans une ambiance d’isolement. Chez des chrétiens, il voyait l’isolement à l’œuvre dans les attitudes suffisantes ou indifférentes de ceux qui se contentaient de rester à l’intérieur de leur tradition, plus portés à justifier qu’à questionner le bien fondé des divisions.
Frère Roger est alors «sorti». Il est parti de sa Suisse natale et est allé chercher un lieu en France où vivre et accueillir. L’Europe était en guerre. La France avait été envahie quelques mois auparavant. Après trois jours de recherche à vélo il a trouvé une maison où s’établir, sur la petite colline de Taizé où la communauté vit toujours, et où il a reçu d’abord des gens qui fuyaient, des réfugiés. Plus tard, plusieurs jeunes hommes sont venus le rejoindre et, avec lui, sont devenus les premiers frères de la communauté naissante. Petit à petit leur vie s’est développée. Ils priaient trois fois par jour, partageaient ce qu’ils gagnaient par leur travail, sans accepter de don, et accueillaient ceux qui venaient. Dans la règle de Taizé que frère Roger a écrite dans les années 1952-53, il dit entre autres: «Sois parmi les hommes un signe d’amour fraternel et de joie. Ouvre-toi à ce qui est humain et tu verras s’évanouir tout vain désir de fuite du monde. Sois présent à ton époque, adapte-toi aux conditions du moment… Aie la passion de l’unité du Corps du Christ.»
Dans les années cinquante, des jeunes se sont mis à venir à Taizé, seuls ou à quelques-uns, pour des temps de retraite surtout. Au tournant des années soixante leur nombre a commencé à augmenter. C’était une période où s’annonçaient d‘importants changements de mentalité, avec des tensions grandissantes entre les générations et aussi de nouvelles aspirations. C’est à cette même époque que commença un événement qui allait être décisif pour notre petite communauté comme il allait l’être aussi pour l’Église, le Concile Vatican II. Frère Roger et frère Max, un de ses premiers compagnons, ont été invités à y participer en tant qu’observateurs. Les deux frères ont assisté à toutes les séances des quatre sessions du Concile et participé activement aux échanges. Ils ont accueilli avec d’autres frères, dans l’appartement qu’ils avaient loué au centre de Rome, des centaines de protagonistes du concile, cardinaux, évêques, théologiens, experts, observateurs orthodoxes et protestants, de toutes nationalités, ainsi que des journalistes. Il y aurait tant à dire sur l’expérience de ces quatre années et de son influence sur Taizé mais l’essentiel, pour ce qui nous concerne aujourd’hui, c’est de souligner une certitude qui prenait forme: il fallait que d’autres, et non pas les seuls évêques, puissent faire l’expérience de tels échanges, se rencontrer venant du monde entier, rester ensemble pour prier et chercher, non pas brièvement mais pendant une certaine durée. C’est cette conviction qui fit naître à Taizé, petit à petit, dans ces années, les rencontres de jeunes organisées de semaine en semaine. Sans que les participants à ces rencontres aient eu l’idée d’utiliser ce mot, on pourrait parler, je pense, d’une expérience de vie œcuménique, c’est-à-dire d’une vie chrétienne partagée au-delà des frontières et des autres barrières qui séparent les chrétiens. Un œcuménisme vécu, si vous voulez, au service des jeunes générations, avec à la base ces éléments simples que sont la prière, la réflexion et le partage.
[Sœur Agnès] Comme communauté, nous avons été «embarquées» dans cette même aventure, un peu comme les disciples ont été embarqués avec Jésus pour traverser les frontières et découvrir des lieux insoupçonnés.
Notre Congrégation est aujourd’hui comme une poignée de femmes, dont les racines de fondation descendent jusque vers 1231. Toute notre histoire dit, modestement, la force évangélique de ces racines qui nous a fait traverser les siècles, d’adaptation en adaptation, selon les besoins qui se faisaient entendre.
Le tournant de l’après-guerre où notre maison-mère et nos archives ont été entièrement détruites en mai 1940, le bouillonnement de la période du Concile Vatican II et le renouveau de l’Église… Toute cette période nous invitait à nous laisser encore renouveler et a suscité l’ouverture de nos missions sur les trois continents où nous étions présents.
L’attention à l’œcuménisme et l’enthousiasme devant l’ouverture de nouveaux chemins de rencontres et de dialogues entre tous les chrétiens ont été pour nous des aspects importants de ce renouveau. Cela était particulièrement marqué dans notre insertion en milieu universitaire dans la ville de Louvain (Belgique), mais toutes nos communautés au Brésil, au Congo et en Europe, étaient animées du même esprit d’ouverture à l’unité selon les circonstances propres de ces lieux où nous étions envoyées.
Au printemps 1966, ce sera sans hésitation que nous répondrons à la demande de frère Roger de venir aider pour quelques mois à la salle de vente des produits de la communauté de Taizé et à l’accueil des pèlerins de passage. «Taizé devient central pour la catholicité…» disait alors la supérieure générale à son Conseil. «Tout ce que vous pouvez faire pour l’unité, faites-le» – nous encourageait le Cardinal Bea (du secrétariat pour l’unité des Chrétiens). Ces quelques mois sont devenus des années: nous sommes restées en ce lieu.
La dimension œcuménique à laquelle la Congrégation s’est ouverte peu à peu, n’a jamais été un projet ou une décision venant de nous-mêmes, mais elle a été avant tout accueil du don de Dieu déposé en nous. En allant avec d’autres aux sources de la foi, en puisant à la fontaine des Écritures saintes, nous redécouvrions la catholicité de l’Église et nous faisions l’expérience d’une joie intérieure profonde où nous reconnaissions la joie de nos racines, la joie de notre vocation.
Grâce inattendue: un pèlerinage de confiance
[Frère Jean-Marie] J’aimerais aborder maintenant une autre dimension de l’accueil des jeunes à Taizé. Tout à l’heure je vous citais les paroles de notre règle, écrite au début des années cinquante, «Sois parmi les hommes un signe d’amour fraternel et de joie… Sois présent à ton époque, adapte-toi aux conditions du moment.» Au même moment où frère Roger écrivait ces lignes, quelques frères allaient vivre loin de Taizé. en petites communauté de quelques-uns. On appelle «fraternités», toujours aujourd’hui, ces petits groupes de frères implantés au cœur de la réalité des grandes villes, en Europe et sur d’autres continents. Nous en avons six actuellement.
(Map of the Taizé Compound)
Quand les jeunes ont commencé à venir plus nombreux à Taizé, il fallait que nous nous adaptions tous à une situation nouvelle. Il fallait nous alléger de certaines habitudes, simplifier encore notre vie, ouvrir notre prière afin que ceux qui venaient y participent activement. Il s’agissait encore de «sortir de l’isolement» en quelque sorte mais autrement, de nous remettre en route nous-mêmes, pour partager avec les jeunes et transmettre la foi qui nous animait et aussi pour recevoir à travers eux ce qui venait de Dieu. L’autre que nous avons en face nous déplace et cela nous fait changer, avancer, nous conduit à oser des nouveaux commencements. C’est là le sens que nous donnerions au dialogue. Il est de nous rappeler que c’est à travers nos rencontres humaines que Dieu lui-même vient nous rencontrer toujours à nouveau. C’est en nous ouvrant à la possibilité de la rencontre que notre propre foi si souvent grandit, c’est là où Dieu ouvre des perspectives inattendues et de nouveaux horizons.
À travers les années, nous avons essayé de mettre des mots sur cette démarche d’accueil mutuel et de rencontre qui se vit dans la foi. Nous l’appelons le «pèlerinage de confiance». Il s’accomplit dans l’accueil continu à Taizé et aussi en des temps de rencontres, petites ou grandes, ailleurs, sur les divers continents. Du 8 au 15 mai, il y aura une rencontre de jeunes à Jérusalem, que nous préparons en collaboration avec l’Institut œcuménique de Tantur et les Églises de Terre Sainte. Depuis plus de quarante ans, nous animons chaque année une rencontre européenne entre Noël et nouvel an dans une grande ville du continent, en collaboration avec les églises de cette ville d’accueil, catholiques, protestantes, orthodoxes. Les jeunes logent dans les communautés locales, dans les familles et passent le matin dans les paroisses où tous peuvent prier et échanger. Pour le reste de la journée un programme au centre-ville permet à tous de chercher, à partir de l’Évangile, comment répondre aux défis du monde dans lequel nous vivons. En même temps, ce pèlerinage est une réalité très humble, rien de plus qu’une invitation adressée à chacun, à chacune, à être comme un pèlerin qui cherche à vivre de la confiance en Dieu au milieu du monde.
[Sœur Agnès] Dans cette mission partagée avec les frères de Taizé, nous sommes devenues aussi «pèlerines de confiance»!
Sans cesse nous ravivons la conscience et la grâce de pouvoir soutenir, à notre place, l’intuition donnée à la communauté de Taizé, sa vocation propre. Je relève juste quelques caractéristiques: offrir la parole de Dieu et la laisser parler dans les vies, par elle-même; aider à goûter le silence intérieur; susciter la rencontre avec l’autre, différent et pourtant habité d’un même désir; faire confiance aux jeunes et à l’avenir qu’ils préparent.
À cette école, nos vies de communautés se sont simplifiées, l’espace de notre tente s’est élargi, nos racines ont été revisitées et vivifiées!
En même temps, nous découvrons que notre tradition spirituelle ignatienne se met facilement au service de l’accompagnement des jeunes, chacun selon le point où il en est: aider à nommer la quête de sens, se laisser réconcilier de toutes les déchirures personnelles ou d’appartenances, faire des choix dans le dédale complexes des possibles.
Chaque jeune qui reste plus d’une semaine sur la colline est accompagné. Il découvre souvent que le dialogue auquel il est invité dans les groupes de partage, chaque jour de la semaine, suscite en lui un dialogue plus profond avec lui-même, avec son histoire, ses identités, ses contradictions, ses désirs… Chaque pèlerin fait l’expérience que la Parole de Dieu, sans bruit, sans forcer, s’offre aussi comme un dialogue avec plus intime que lui-même, Celui qu’il nommera, ou pas, «Dieu».
Les jeunes découvrent à Taizé un espace de liberté, sans contrainte (même s’il y a des règles précises et indispensables de vivre ensemble qui sont énoncées à l’accueil). Les réseaux qui se tissent entre eux, n’associent pas des «mêmes» comme le font les algorithmes des réseaux sociaux, mais ils unissent leurs diversités en polyèdres colorés qui témoignent d’une co-existence en harmonie et en dialogue.
Les identités ne sont pas identitaires; les communautés ne sont pas communautaristes. Les jeunes découvrent – et nous découvrons avec eux – la communion qui est en Dieu, qui est par Dieu. A partir de là, le dialogue sur les grandes questions de société peut se faire; les appartenances peuvent se partager, s’ouvrir à l’autre, laisser entrer le pardon lorsque les blessures s’y étaient installées.
L’œcuménisme se tisse à bas bruit, sans grands discours et il se mêle étroitement aux fils de l’interculturalité. Les jeunes font l’expérience de rencontrer des frères et des sœurs. Retournant chez eux, beaucoup aspirent à ouvrir les fenêtres de leur Église pour que circule une fraîcheur de communion de l’une à l’autre.
Dans ce contexte, nous pouvons témoigner de tant de familles, couples, communautés qui sont nés de cette rencontre des différences de cultures, de pays, d’appartenances ecclésiales. L’œcuménisme se prolonge pour eux dans un œcuménisme du quotidien, de la vie ordinaire partagée qui se heurte encore aux divisions encore visibles et aux traces de l’histoire en attente de réconciliation. Pour beaucoup, cela sera une manière spécifique d’être associé au mystère de la passion du Christ qui a voulu «rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés.»
Dans ces jours où nous préparons cette intervention, comment ne pas penser à ce qui a été semé dans le cœur de ces milliers de jeunes russes et ukrainiens qui, ces dernières années, se sont assis côte à côté, à Taizé, dans la prière et le dialogue et dans l’espérance de la paix!
Pour conclure: des appels?
[Frère Jean Marie] Pour conclure, une question. Comment le dialogue et l’œcuménisme pourraient-ils contribuer à préparer en Europe une Église ouverte?
L’an dernier, entre deux confinements, nous avons eu à Taizé la visite de deux amis, le pasteur Larry Miller, ancien secrétaire général du Forum Chrétien Mondial, et sa femme Eleanor. Au cours d’un repas ensemble, notre prieur frère Alois lui a demandé: comment faire avancer l’unité des chrétiens? Sa réponse a été franche et terre-à-terre: «Il n’est pas bon de commencer en disant: “Voici qui nous sommes, voici ce que nous faisons et pourquoi nous avons raison.” Il s’agit plutôt de reconnaître nos faiblesses et de demander aux autres Églises de nous aider à recevoir ce qui nous manque – c’est l’œcuménisme réceptif, qui nous donne d’accueillir ce qui vient des autres.» Ces paroles résonnent profondément avec notre expérience. Alors y a-t-il une découverte simple et vitale que Dieu nous invite à faire aujourd’hui, un «appel», pour paraphraser Saint Augustin, aussi ancien et nouveau que l’Évangile ? Cet appel c’est de comprendre que l’essentiel, dans nos vies comme dans nos missions, ne s’accomplit pas à travers nos projets et nos activités, si important soit-il d’en avoir. Il ne se trouve pas dans nos affirmations. Il est plutôt dans une attitude intérieure où nous acceptons de partir, de sortir toujours à nouveau. Cette attitude demande une certaine vulnérabilité et de l’honnêteté. Nous la mettons en pratique chaque fois que nous osons non pas seulement donner mais recevoir, quand nous reconnaissons que d’autres personnes, différentes de nous-mêmes, sont en fait nos frères et nos sœurs, et quand nous entrons en proximité avec elles à cause de l’amour du Christ. Est-ce que l’ouverture, la confiance et le désir de l’unité qui existent chez tant de jeunes pourraient alors nous surprendre et renouveler notre espérance?
[Sœur Agnès] Comment le dialogue et l’œcuménisme pourraient-ils contribuer à préparer en Europe une Église ouverte?
L’expérience de vivre ensemble sous le même toit, de cultures et traditions ecclésiales différentes, pour quelques jours de rencontres à Taizé ou en y engageant durablement sa vie en couple ou en communauté, est une invitation permanente à quitter son point de vue, à entrer dans la perspective de l’autre, à se laisser déplacer de ses habitudes, à reconnaître de nouvelles résonances de la Parole de Dieu et de l’expérience chrétienne. Ces attitudes sont certainement une terre d’espérance pour enraciner tout dialogue œcuménique et recherche théologique pour parvenir à l’unité visible des chrétiens.
Par les rencontres entre Supérieures générales, ou avec les conférences de religieux et religieuses, je perçois que beaucoup de nos Congrégations ont été sensibles à l’appel évangélique du pape François à aller vers les périphéries, vers les lieux frontières. Mais souvent, je m’interroge: lorsque nous allons aux frontières de nos Églises, savons-nous reconnaître et découvrir aussi qu’il y a là d’autres Églises. Osons-nous suffisamment passer le pas de ces frontières, percer des portes et vivre l’hospitalité réciproque entre chrétiens? Connaissons-nous nos frères et sœurs chrétiens? Comment nous éveiller mutuellement à devenir ami.e.s dans le Seigneur, pour marcher ensemble au-delà de nous-mêmes, vers le Christ qui nous précède et nous attend, plus loin, au-delà des frontières de toutes nos divisions, aux périphéries blessées de notre monde?