Comme Moïse trouvé dans un panier Une réflexion sur l’Année Sainte à venir

La visite de Gikondo s’inscrivait dans le cadre d’une conférence de deux jours sur l’éducation inclusive. On peut vraiment féliciter les organisateurs pour cette initiative innovante, mais toute la théorie que nous avons entendue s’est évanouie lorsque nous avons rencontré cette femme avec cet enfant sur ses genoux, qu’elle ne connaissait pas avant et qu’elle embrassait maintenant comme le sien avec beaucoup de tendresse. Nous avons là un exemple vivant de la manière dont l’inclusion peut être réalisée. C’était l’amour et la générosité à l’état pur. La rencontre avec cette femme a été comme un examen de conscience sur l’état de notre amour et de notre générosité. Nous n’aurions pas pu imaginer une meilleure conclusion pour ce congrès.

Il est facile de parler et d’écrire sur l’amour et la générosité, mais créons-nous l’espace dans nos vies pour que cela devienne une pleine réalité ? Avec cette femme, nous avons rencontré tous les aspects que nous pouvons écrire sur l’amour et la générosité. La mesure de son amour était vraiment un amour sans mesure, inconditionnel et sans limite. Combien de fois, dans nos actions, rencontrons-nous des limites et des restrictions que nous construisons nous-mêmes constamment dans notre vie ? Oui, combien de fois notre amour est-il conditionnel ? En elle, nous avons vu l’image pure du bon Samaritain que Jésus nous a donnée en parabole. Comme le Samaritain, sans raisonnement ni calcul, elle avait pris l’enfant dans ses bras et était devenue le prochain, oui, même la mère, de cet enfant inconnu. Avec l’accueil de cet enfant, sa vie a été totalement changée et en même temps, cet enfant est devenu une invitation constante à mettre un terme à toute forme de complaisance et d’individualisme qui la menaçait constamment, ainsi que nous tous. Pour être et rester aimant et généreux, il ne faut pas chercher bien loin, mais chaque jour nous rencontrons sur notre chemin des personnes qui nous invitent à devenir notre prochain et à ne pas passer à côté d’elles comme d’un étranger. Mais pour cela, nous devons oser prendre la route et ne pas nous enfermer dans notre chambre, dans notre bureau, devant notre ordinateur ou en surfant sur notre téléphone portable. L’amour et la générosité ne peuvent jamais devenir quelque chose de virtuel, mais prennent forme dans nos relations quotidiennes avec les êtres humains qui nous entourent. C’est pourquoi l’amour et la générosité restent toujours quelque chose de très personnel, qui ne grandit et ne s’épanouit que dans la relation concrète avec les autres êtres humains que nous rencontrons.

Le rencontre à Gikondo m’a également fait réfléchir sur le fait que nous sommes souvent engagés dans des raisonnements excessifs sur les structures et des réflexions sur la manière dont nous rêvons de l’avenir, mais que nous devenons entre-temps très stériles en termes d’amour concret et de générosité dans notre vie de tous les jours. Bien sûr, cet enfant devra être aidé professionnellement et cela devra également être organisé, mais le point de départ devra toujours rester cet enfant avec son besoin concret. L’être humain concret dans le besoin doit rester le centre et le but de toutes nos actions. Combien de fois, cependant, voyons-nous que cette attention est éclipsée par une bureaucratisation, une commercialisation et une technicisation toujours plus grandes, avec pour conséquence que l’amour et la générosité sont oubliés et finalement supprimés.

L’amour et la générosité ne sont possibles que dans un environnement où le service est primordial. Nous rappelons ici les paroles du Père Triest, qui résumait sa mission en trois mots : « Exemple, enseignement et service ». Si nos actions sont dominées par notre passion pour le pouvoir et si tout ce que nous voyons, c’est comment caresser et renforcer notre propre ego, il n’y aura pas beaucoup de service et, par extension, l’amour et la générosité disparaîtront rapidement de notre vocabulaire.

Avec le début de la nouvelle année ecclésiastique et la préparation de Noël, nous sommes invités à travailler pour un monde où Jésus peut renaître. Nous sommes face à une année exceptionnelle, une Année Sainte, au cours de laquelle l’Église veut traditionnellement se souvenir de l’Incarnation de Dieu d’une manière particulière tous les 25 ans. Avec l’Incarnation, l’humanité a été, pour ainsi dire, recréée. C’est à cette recréation que Dieu nous invite à participer activement et à contribuer à sa réalisation. Nous pouvons le faire en reconnaissant le visage du Christ dans le visage de chaque être humain que nous rencontrons. C’est ce qu’a fait cette femme que nous avons rencontrée à Gikondo lorsqu’elle a trouvé cet enfant, jeté comme un fardeau. Elle y a vu l’enfant Jésus, tout comme les bergers ont reconnu le Fils de l’homme dans l’enfant sans défense de la crèche de Bethléem.

Une Année Sainte implique l’invitation à recentrer notre vie, à nous réorienter vers la personne de Jésus-Christ et son Évangile, auxquels nous avons autrefois consacré toute notre vie avec enthousiasme. C’est ce mode de vie authentique qui nous redonnera la joie et rendra notre vie vraiment féconde pour les autres. Il est donc urgent de mettre un terme à la tendance à la complaisance, où l’attention aux autres se limite à la mesure des bénéfices que nous pouvons en tirer pour nous-mêmes.  Dans un monde où précisément cet amour, cette générosité et ce service sont de plus en plus marginalisés, ce devrait être un véritable défi pour nous, chrétiens et religieux, d’être de véritables exemples dans ces domaines, des exemples qui encouragent l’imitation. Ainsi, l’Année Sainte qui commence le 24 décembre sera plus qu’une commémoration, mais véritablement un moment d’engagement renouvelé pour briller vraiment en tant que Frères de Charité dans ce monde. Et de le faire par notre amour, notre générosité et notre service là où nous vivons et travaillons. Ne voyons pas cela comme un rêve lointain, mais comme un appel urgent à y travailler efficacement et à commencer aujourd’hui !

Nous vous souhaitons un temps de l’Avent béni !